Les autres savent ; moi, je cherche.

mercredi 23 janvier 2008

L'histoire de l'avocat malien

Maître Eolas évoque le cas d'un avocat malien à qui on réclamait des papiers, etc, allez sur son site il raconte ça merveilleusement.
Bon, ça c'est arrangé.
Comme la vieille dame turque.
Toutes ces histoires, qui devraient me révolter, je devrais comme tout le monde dire des trucs très intelligents et mordants sur la France, les Droits de l'Homme, patin, couffin, etc.
Rien à dire, sauf que ça me rend triste, platement.

Essayer d'expliquer.
D'abord, je suis étrangère, moi aussi, mais dans l'autre sens. Oui, les Français sont des étrangers aussi quand ils ne sont pas en France. Je sais ce que c'est que d'être sans papiers, pour des raisons idiotes, politiques.
Etre sans papiers, et se dire : de toute façon je m'en fous, je suis Française, mon poste c'est ça (un truc genre bien), ils me me vireront pas. Une tranquillité d'esprit amère.
Quelqu'un au ministère de l'intérieur là-bas veut faire pression sur le propriétaire de la société, proche du pouvoir, et bloque le dossier d'agrément.
Quand on va à la Police le préposé aux étrangers dit : On a besoin du formulaire A 626 pour la régularisation mais pourquoi ne l'amenez-vous pas?
Parce que le Ministère concerné ne signe pas le formulaire A626.
Alors, dit le préposé à la Police, vous ne pouvez pas rester. Il faut rentrer chez vous.
Chez nous.... Aaaahhh. Mais si chez nous c'est ailleurs? Si chez nous c'est pas là, ou là, mais partout.
Le préposé, aucun préposé n'a de case pour ce cas là.
Et notre travail il n'est pas dans le supposé "chez nous", mais dans le réel "chez les autres" et c'est comme ça. On avait tort. On aurait du rester (chez nous).
Enfait on n'est pas parti, on est resté (chez les autres), sans papiers, un peu méprisants parce que le pays là-bas n'était pas une démocratie, et que ça nous faisait marrer, tout en nous gênant, ces pays avec des décisons arbitraires juste pour faire ch.. le monde : on travaille, un emploi, un salaire, tout le monde est d'accord là-dessus, il manque juste une signature sur un papier.
Là-bas, dans le pays non démocratique, quand ils te disent : "ah ! c'est la loi !" ils sont goguenards : ils savent que la loi est un jeu, que ses règles sont changeantes, juste pour dérouter le joueur qui suit les règles, et ils ne te donnant pas de cours de morale comme en France.
En France, la loi, c'est La Loi.
La figure du père. Un respect immodéré pour elle nous ferait croire qu'elle est parfaite.
En France, ou ailleurs, c'est une règle du jeu, qui ne sert qu'à être contournée.

Plus tard, dans la même pays, la loi changea. Il s'agit de ces pays où la loi change, comme ça, pouf, tu reviens six mois après et il y a une nouvelle loi, le Président l'a dit. Le pire, c'est que du point de vue de l'observateur/l'usager/le citoyen (on ne sait plus ce qu'on est), les amendements à répétitions des Assemblées ou le bon vouloir du Potentat local, ça se ressemble.
Donc six mois après un autre policier nous sort un papier et nous dit voilà, changement, il faut payer une taxe.
Une réponse à ce qui se passe de l'autre côté de la Méditerranée (chez nous)?
Le policier fait la moue, serre les lèvres, hausse une épaule, murmure avec pudeur : C'est la loi...

Tu ne vois pas que les démocraties se mettent à avoir des faux airs de dictatures.
Tu vois pas que les lois ont l'air d'être manipulées partout par les pouvoirs en place.
Mais non, c'est pas ça, c'est que je ne suis pas légiste, sinon je percevrais toute l'étendue immense de la différence entre les règles de notre jeu et les règles du jeu des pauvres qui n'ont pas de démocratie.

Maintenant on est encore dans un autre pays. Là, mes papiers français fonctionnent. Chic.

Un autre souvenir de papiers : je quitte un pays, je passe deux mois de vacances en France et après je vais dans un autre pays.
En France, je vais à la Mairie pour faire mon passeport.
Je suis française, quoi.
Mais non. Peux pas.
Faut prouver que j'habite vraiment en France, dans la ville en question.
Je dis à l'employée : Mais je ne peux pas prouver que j'habite en France, je n'y habite pas ! Et d'ailleurs, avec quoi je prouve?
Réponse : avec un chéquier à votre adresse en France et un abonnement de journal (puisque je n'ai pas d'EDF ou de téléphone).
Moi : Mais un abonnement de journal a une valeur légale?
L'employée : Nous l'acceptons.
(S'ils l'acceptent, c'est légal?).
Donc : pas d'EDF, pas de passeport, sauf si on a un abonnement à un journal et un chéquier.
ça, c'est de la loi qu'elle est belle.
Notez que je ne critique pas, je vois bien qu'il faut faire son passeport dans son lieu de résidence, ça me paraît cohérent, prouver la résidence par EDF c'est classique, mais bon mon cas est différent, je suis chez mes parents, je ne réside pas là, mais tout de même.
On devrait, entre gens de bonne compagnie, pouvoir s'arranger (ce n'est tout de même pas si illégal que ça, on ne peut pas rentrer dans toutes les cases).
Rien n'y fait.
Jusqu'à ce que je me mette à pleurer devant le guichet.
Donc : si vous n'avez pas de factures EDF pour prouver votre résidence, il vous faut un chéquier et un abonnement à un journal, OU BIEN vous pouvez aussi pleurer. Les larmes sont un document acceptable devant une administration.
Mais attention, pas n'importe quelles larmes : des larmes françaises, bien entendu.

Et donc, ce qui me rend triste, arriverai-je à le formuler?
Ces lois, ces belles lois, censées limiter l'arbitraire .... Eh, non. Censées limiter l'arbitraire. Oui, finalement. Elles le limitent. Mais l'arbitraire arrive toujours à passer. Parfois les larmes ne l'arrêtent pas. Et nous sommes impuissants.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

tres beau papier, pour plein de raisons:

1) ça s'est arrangé pour la dame Turque

2) votre témoignage me rappelle un peu ce que j'ai vécu moi aussi a l'étranger, pas si loin d'ici, outre manche, outre mer du nord plus exactement. Et mon cas, c'était de la rigolade comparé a ce que subissent ici les candidats à l'immigration. Avoir eu affaire un jour dans sa vie aux services de l'immigration, a cet arbitraire que vous decrivez si bien, au sentiment d'avoir mis son destin dans les mains de quelqun qui ne semble pas réaliser l'immense étendu de son pouvoir, ça permet, je pense, de porter un regard plus juste sur ces questions là.

lea a dit…

ça c'est arrangé aussi pour l'avocat.
Oui, ces histoires de papiers, et le sentiment qu'il faut avoir une vie et être dans un situation conforme, classique, compréhensible pour des fonctionnaires, sinon on ne rentre plus dans les cases et c'est le bazar.
J'insiste sur le fait qu'être Français est un luxe, à l'étranger. Etre malien ou turc, pas vraiment.

Mais vindiou que cherché-je?

Justement, nous touchons là au fond de mon problème : je ne sais pas ce que je cherche. L'objectif de ce blog est de me faire écrire, pour améliorer progressivement ma prose, car je n'ai que peu de temps ; l'autre objectif, de parler de tout et de rien - surtout de tout.